Agriculture bio en Afrique : un bon créneau

Publié le par Volterre

Afrique
L'agriculture biologique en Afrique : un credo, mais aussi un bon créneau

(SYFIA) Cultiver sans engrais chimiques ni pesticides peut sembler un luxe réservé aux pays riches, largement excédentaires. Pourtant, on trouve en Afrique des adeptes de l'agriculture biologique. Leurs motivations: un souci écologique mais parfois aussi la recherche d'un créneau original à l'exportation.

En janvier 1989, la fédération internationale des mouvements d'agriculture biologique (IFOAM) a tenu pour la première fois une conférence en Afrique, au Burkina Faso. Cette organisation, dominée par des militants écologistes des pays du Nord, pouvait paraître à première vue bien éloignée des préoccupations africaines. Pourtant, si les motivations au Nord et au Sud sont très différentes, il existe bel et bien des convergences, comme l'a expliqué le ministre de l'Agriculture du Burkina Faso : "Selon que l'on vit dans un pays développé qui croule sous le poids des surproductions, ou dans un pays en développement, confronté aux problèmes de l'insécurité alimentaire, les raisons qui poussent à militer pour l'agro-biologie diffèrent. Pour les uns, il s'agit de réduire, sinon de supprimer, l'emploi des intrants chimiques dans une agriculture polluante, qui fournit une alimentation jugée dénaturée. Pour les autres, il s'agit de gérer de façon optimale les relations eau-sol-plantes tout en préservant et même en restaurant l'équilibre de l'éco-système. C'est le cas du Burkina Faso." Dans ce pays, le gouvernement a lancé une campagne "massive" de vulgarisation des techniques de fabrication de compost avec le slogan "Une famille, une compostière".

Une agriculture sans poisons

Au Sénégal, l'initiative vient surtout des organisations paysannes. Ibrahima Seca et Ndiogou Fall animent l'Association Sénégalaise Pour l'Agriculture Biologique (ASPAB). Tous deux sont redevenus agriculteurs dans leur village après avoir été agents de la Société des Terres Neuves. Cet organisme étatique encadrait la réinstallation au Sénégal Oriental d'agriculteurs ruinés par l'épuisement de leur terre dans le bassin arachidier. "A l'époque, on se croyait supérieurs aux paysans" expliquent-ils. Pourtant, le modèle agricole "moderne" dont ils étaient les agents a conduit à la dégradation des sols par la monoculture de l'arachide. Leur prise de conscience est venue de là, et aussi de l'observation des dangers liés aux pesticides. Au Sénégal, les accidents ne sont pas rares. En janvier 1981, la consommation de riz contaminé par des produits de traitement a tué neuf personnes - une famille entière - dans le village de Keracounda.L'objectif de l'ASPAB est donc de promouvoir "une agriculture sans poisons". D'abord "en revalorisant les pratiques des anciens". Bien des techniques traditionnelles de lutte contre les nuisibles ont été oubliées par les agriculteurs, y compris ceux qui n'ont pas les moyens d'utiliser des produits chimiques. L'ASPAB a donc fait appel à de vieux agriculteurs, les "experts paysans" pour réhabiliter l'utilisation de plantes insecticides et d'espèces à effet répulsif. On apprend ainsi à se servir du Neem, arbre aux très nombreuses applications insecticides. De nouveau, on allume des feux au bord des champs pour détruire les cantharides qui attaquent le mil. Enfin, des variétés traditionnelles plus résistantes aux maladies ont été remises à l'honneur.Le deuxième cheval de bataille de l'ASPAB est la restauration des sols. L'association encourage la plantation de haies vives qui limitent l'érosion et d'arbres comme l'Acacia albida qui ont un effet fertilisant. Dans des zones sèches où l'on produit peu de fumier, l'ASPAB s'efforce de développer la fabrication de compost. Mais beaucoup de paysans ne possèdent ni les charrettes, ni les ressources en eau nécessaires pour transporter et arroser les résidus de récolte à composter.Une expérience pilote a donc été entamée avec la municipalité de Louga, au Nord du Sénégal. Les déchets urbains sont récupérés et triés pour produire de l'engrais organique.L'ASPAB, qui intervient dans les zones maraîchères proches de Dakar, au Sine Saloum, au Sénégal oriental et dans la zone du fleuve, affirme toucher 120.000 agriculteurs.

Des fruits biologiques togolais

L'Association Togolaise pour le développement de l'Agriculture Biologique (ATAB) fonctionne sur un modèle très différent. Elle regroupe à la fois des agronomes, des pédologues, des nutritionnistes et des agriculteurs. Ces derniers - une centaine - sont des producteurs de fruits et d'arachide dont la récolte est exportée vers la France où il existe un marché spécifique pour les produits biologiques. Ces agriculteurs bénéficient d'un encadrement technique qui exclut l'usage des intrants chimiques. L'ATAB prévoit de collecter en 1989 environ 800 t de fruits, de cacao, d'anacarde et d'arachide de bouche. L'essentiel de cette production est destiné à être traité dans une usine installée à Lomé. La création de cette unité a coûté 200 millions de F CFA. Mangues, bananes et ananas y seront déshydratés et conditionnés - sans aucun additif - avant d'être exportés. L'ATAB et ses correspondants français se flattent d'avoir créé ainsi la première filière de produits biologiques entre l'Afrique et l'Europe. Dans cette expérience, c'est l'existence d'une demande de produits "naturels" chez les consommateurs européens qui a favorisé l'adoption des méthodes d'agriculture biologique par les paysans. La plupart d'entre eux utilisaient peu ou pas du tout de produits chimiques auparavant. L'ATAB, en leur offrant un débouché, leur permet également d'améliorer leurs pratiques traditionnelles sans devoir investir dans de coûteux intrants chimiques, ni compromettre la fertilité de leurs champs.Robert Morez, consultant français de l'ATAB, affirme que l'agro-biologie n'est rien d'autre qu'une "bonne agriculture" qui respecte le milieu et s'appuie sur "le sol, outil de travail vivant".


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